Trois femmes et un homme aurait pu être aussi le titre de Nhebek Hédi,ce film réalisé par le cinéaste Mohamed Ben Attia et dont le personnage principal est un homme, est à mon sens un hymne à la femme tunisienne dans toute sa splendeur,le choix des trois figures féminines:la mère ,la fiancée et l'amante rebelle dont il tombe éperdument amoureux au cours de ses déambulations n'est pas arbitraire.Des figures justes et probantes dans le sens où elles sont représentatives de la personnalité commune majoritaire de la femme tunisienne,je dirai même de la femme à une échelle universelle.
D'abord, la figure de la mère castratrice qui ne se voit pas comme telle puisque dans le fond elle croit faire son devoir en mettant en oeuvre tout ce qui est en son pouvoir pour la réussite de son enfant lui assurant ainsi un foyer et un métier-en somme la vision binaire chez tout individu conforme à la norme,ce qui est loin de satisfaire la quête d'un absolu tant désiré par son fils.Une mère qui use de toutes les stratégies comme le lieu commun de ce frère aîné qui revient comme un leitmotiv pour rappeler au cadet le poids de l'échec,s'il ne réussit pas à se faire un chemin : une des constantes parentales en matière de chantage affectif chez la majorité des parents .Puis,il y'a la fiancée qu'on rencontre la nuit dans sa voiture et qui ne discute que de mariage et de famille lisse et proprette sur tout rapport avec qui Hédi aurait aimé échanger une discussion probante ou un tant soit peu d'affection.Et puis voilà Rim qui apparaît au détour d'un chemin inattendu et improbable dans un hôtel local où elle fait l'animatrice ,une femme indépendante et libre menant une vie de bohème au gré de ses désirs...
Tout semble donner à l'intrigue un caractère dramatique assez pesant si ce n'est le talent du cinéaste qui a su contourner le pathos d'une manière subtile dénuée de tout poids moraliste.En effet,le cinéaste a installé une légèreté tendre voire pudique par le biais du mouvement de la caméra parfois subjective et voyeuse dans le cas du personnage de Rim,parfois indécise et flottante quand elle filme la mère ou la fiancée pour marquer la distance qui démontre le manque de communication dans les rapports :mère/enfant et fiancée/Hédi .
Ceci dit, à aucun moment on a le sentiment que ce conflit écarte la conscience de l'amour que la mère porte à son enfant ou que ce dernier lui porte ,comme il ne nous semble pas qu'on puisse reprocher à la fiancée sa façon d'être ,elle est sous observation sans qu'il y'ait un dénigrement de son embourgeoisement héréditaire ,de même malgré toute la passion qu'éprouve Hédi à l'égard de Rim,il ne l'a pas suivi ;le climax vient renforcer ce constat :Hédi choisit de rester au lieu de partir avec cette dernière vers un ailleurs incertain sans lendemain et pourtant les adieux du couple étaient chargés d'émotions et donnent à voir une grande affection et un trop plein d'amour ce qui prouve que Hédi n'éprouve que de la tendresse et point de rejet affectif ni effectif envers ces trois femmes malgré leurs différences relationnelles,chacune est porteuse de sens et de symbole:la mère incarne le despotisme ,la fiancée l'établi et Rim la rébellion et la liberté.
Effectivement à quoi sert de fuir vers un ailleurs quand on n'a rien réglé avec soi-même ,voilà une "morale" qui pour une fois ne se positionne pas par rapport au tabou en tant que tel ,mais par rapport à sa propre quête existentielle.Tout ce que Hédi recherchait c'était d'être maître de son destin ,de faire ses propres choix et d'être libre tout comme cette jeunesse du printemps arabe dont la quête va au delà du politique car si on ne pouvait pas mettre fin à la domination sociétale conformiste et obsolète comment pourrait-on prendre sa propre existence en main! Comment aurait-on la force et la conscience nécessaires pour donner naissance à une vraie révolution!Voilà toute la question du film Nhebek Hedi qui semble traiter à première vue des travers d'une existence anodine d'un commercial ordinaire!
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