mardi 16 juin 2015

Le cinéma au féminin

Faut-il être une femme pour réaliser des films qui parlent des femmes aux femmes ? Au cinéma, la réponse à cette question semble résolue ; je dirai qu’elle ne se résume pas à une appartenance de quelconque nature, toutefois il est judicieux de préciser que pour traiter des femmes, il faut absolument être muni d’une sensibilité dite féminine.Et à ce niveau le cinéma mondial regorge d’exemples probants. A ce propos, je ne citerai que trois cinéastes ceci dit il y en a bien d’autres ,mais je me contenterai de me pencher sur ces trois là car ils m’ont frappé et de par leur connaissance de la nature féminine et de par leur approche esthétique : en premier lieu Ingmar Bergman avec « Cris et chuchotements »(1972) , en relatant l’histoire de deux sœurs faisant face à la mort de l’une d’entre elles ,le cinéaste met l’accent sur les rapports de domination pratiqués par les hommes et dont les femmes sont les premières victimes .
 Cris et chuchotements (1972)  Ingmar Bergman
C’est cette soif masculine du pouvoir qui est à l’origine de tous les maux des humains et par conséquent il n’y a que la mort qui puisse y mettre fin ; en second lieu John Cassavetes avec « Une femme sous influence »(1974) un film bouleversant qui raconte l’histoire d’une femme au foyer(Mabel) qui perd pied et qui est en quête d’un « dedans » avec un époux « dehors » ; dés lors la chute aux enfers et la déliquescence d’une nature sensible en mal d’amour et de tendresse qui finit par succomber dans la folie ; et en dernier lieu Pedro Almodovar(1991) avec « Talons aiguilles »où le cinéaste espagnol traite du rapport mère –fille(ce qui nous renvoie à « sonate d’automne »de Bergman ,sorti en 1978 ),un film haut en couleurs qui trace le parcours d’une femme en mal de mère…
Pour revenir au plan national, je dirai que les films qui traitent des femmes en tant que personnages principaux et partie prenante de l’intrigue dans la majorité des cas ils sont faits par des cinéastes femmes, à ce niveau je citerai deux films assez marquants « Les silences du palais »(1994) de Moufida Tlatli, « Quand j'étais enfant, explique cette dernière, on appelait la femme tunisienne « la colonisée du colonisé ». C'est en pensant à ma mère (…), et au non-dit qui a régné durant toute sa vie, que j'ai écrit ce scénario.» En installant une atmosphère assez feutrée et poétique dénotant une forme de nostalgie de l’époque faste des palais qui contraste avec la soumission de la femme au droit du maître à une époque révolue ,la cinéaste cherchait ainsi à dénoncer les injustices subies par certaines femmes même à l’époque de la sortie du film ;le second film « Satin rouge »(2002)de Raja Amari,un film troublant de par son universalité, car même si le scénario retrace le parcours d’une femme tunisienne :Lilia une veuve rangée qui ne s’est occupée depuis la mort de son mari que de l’éducation de sa fille ,sort des sentiers battus en découvrant le monde de la nuit ,je trouve qu’il met en scène l’histoire d’un personnage en quête de passions et des rêves les plus fous qu’il soit d’ici ou d’ailleurs ;transgresser l’interdit :n’est-ce pas là le propre de l’homme ?
 Satin Rouge de Raja Amari (2002)
Il m’est apparu pertinent de mettre par la même occasion l’accent sur certaines approches du problème résolument séculaire et qui est des plus traités et qui, bien évidemment, impose un traitement des plus cinématographiquement probant : la question de l’hymen, attelée à celle du viol, qui est toujours à l’ordre du jour … Force est de constater que si ces sujets sont encore là, c’est parce qu’ils sont encore une récurrence des plus culturelles et qu’on n’arrive pas à s’en défaire, serait-il plus pertinent de se pencher sur d’autres problèmes féminins ? Je dirai, pour ma part ,que oui et qu’il est temps de voir la femme en d’autres situations, incarnant d’autres personnages plus denses, plus cérébraux ,plus hauts en couleurs ,dépassant les frontières du corps féminin qui reste pour le moment une forme de tabou que certains cinéastes tunisiens cherchent à écorcher à tort et à travers et pas toujours dans une perspective productive;ce qui me rend des plus perplexes ce que cette même pratique était encore d’usage en Europe à l’avènement du cinéma et pourtant si ma mémoire ne me joue pas des tours ,je ne me rappelle pas avoir rencontrer un film occidental de l’époque qui en traitait !!

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